ÉTAT DE L'ART DE LA RECHERCHE SUR L'AH
CARACTÉRISATION RHÉOLOGIQUES DES PRODUITS DE COMBLEMENT STYLAGE®
AU REGARD DE LEURS PLANS D’INJECTION ET LEURS PERFORMANCES CLINIQUES.
Virginie BIGAND, Ph.D., Florence BRUNEL, Ms.c.,
Frédéric TRANCHEPAIN, Ph.D.

Figure 1. Réseau interpénétré IPN-like®
INTRODUCTION: LA RÉTICULATION DE L'AH. POURQUOI?
Le processus de vieillissement cutané est caractérisé entre autres par l’apparition de rides et la diminution de certains volumes du visage. Les produits de comblement utilisés pour contrer ces effets sont en très large majorité basés sur des gels d’acide hyaluronique, réticulés ou non.
STYLAGE products® sont issus d’une technologie brevetée, la technologie IPN-Like®, qui consiste à interpénétrer deux réseaux d’acide hyaluronique monophasiques réticulés (Figure 1). Cette technologie permet de définir précisément les caractéristiques viscoélastiques de chaque produit.
La réticulation permet de stabiliser l’acide hyaluronique afin d’accroitre la rémanence du produit dans les tissus. L’interpénétration des réseaux réticulés permet d’optimiser la rhéologie de chaque produit.
La gamme de produits réticulés, allant de STYLAGE® HYDROMAX à STYLAGE® XXL, se répartit en trois classes et couvre l’ensemble des applications de l’esthétique du visage : qualité de la peau, comblement des rides, restauration des volumes (Figure 2).
Comme présenté ci-dessus, les propriétés recherchées pour les différentes classes de produits dépendent du plan d’injection visé et de l’effet clinique recherché.
En effet les caractéristiques mécaniques du produit, et plus particulièrement ses propriétés viscoélastiques doivent lui permettre d’assurer les fonctions suivantes :
Une bonne injectabilité à travers l’aiguille
Une bonne intégration dans le tissu où il est placé
Un support mécanique adapté à l’effet clinique recherché et une absence de migration
Une rémanence adaptée au site d’injection.
L’objectif de cet article est de passer en revue les propriétés viscoélastiques de la gamme de produits STYLAGE afin d’établir le lien entre ces propriétés, leur adaptation au plan d’injection et les effets cliniques recherchés.
L’adaptation des produits à leur plan d’injection est le fruit d’un équilibre entre les composantes visqueuse et élastique de leur comportement rhéologique, ainsi que leur interaction mécanique avec les tissus environnants.

Figure 2. Écosystème des produits STYLAGE® réticulés.
COMMENT MESURE-T-ON LES PROPRIÉTÉS RHÉOLOGIQUES D’UN GEL D’ACIDE HYALURONIQUE ?
La rhéologie, qui peut être définie par l’étude de l’écoulement et de la déformation des matériaux sous l’effet de forces appliquées, est une technique d’analyse physico-chimique qui permet d’approcher la structure des matériaux et de mieux comprendre leur comportement. Cette technique est mise en œuvre à l’aide d’un rhéomètre sur des matériaux très divers, en leur appliquant une contrainte mécanique et en mesurant leur réponse.
Description d’un rhéomètre
Un rhéomètre est un instrument de précision qui mesure la déformation de matériaux fluides ou solides sous l’effet d’une contrainte.
Un rhéomètre peut être décrit de manière schématique en deux parties comme le montre la Figure 3 :
en partie haute, l’appareil comporte un moteur qui impose le mouvement.Il est combiné à un capteur monté sur palier à air pour s’affranchir au maximum des phénomènes parasites de friction.
En partie basse, les mouvements du moteur sont transmis à l’échantillon (reposant sur une plaque fixe et thermostatée) par l’intermédiaire d’une géométrie rotative, dont la forme peut varier en fonction du matériau analysé.

Figure 3. Représentation schématique du fonctionnement d’un rhéomètre.
La forme de la géométrie varie en fonction des caractéristiques des matériaux à analyser et dans le cas des matériaux fluides.
Trois grands types sont utilisés comme schématisé dans la Figure 4 :
Les géométries de type cône/plan (A) ;
Les géométries de type plan/plan ou plans parallèles (B) ;
Les géométries à cylindres coaxiaux (C).
Ce dernier type de géométrie est plutôt réservé à des matériaux très peu visqueux pour lesquels une grande surface de contact est nécessaire pour une mesure précise.
Dans le cas des produits de comblement, ce sont les géométries cône/plan ou plan/plan qui vont être utilisées.

Figure 4. Différents types de géométries disponibles.
Pour effectuer une mesure, l’échantillon est déposé sur la plaque fixe et la géométrie va descendre vers l’échantillon jusqu’à une certaine distance de la plaque fixe appelée entrefer, ou gap en anglais. L’entrefer dépend du type de produit de comblement à analyser :
Pour les produits de comblement de nature particulaire comme les inducteurs tissulaires, la géométrie plan/plan est la plus adaptée car elle permet de travailler à un entrefer choisi à la discrétion de l’analyste en fonction des tailles de particules en présence.
Pour les produits de comblement monophasiques, les deux types de géométries peuvent être utilisées mais le plus souvent c’est la géométrie cône/plan qui est choisie du fait de son entrefer fixe inhérent à ses dimensions propres (et notamment son angle θ).
Paramètres mesurés
Une fois la géométrie positionnée sur l’échantillon, les mesures vont être réalisées par oscillations horizontales de faible amplitude.
Lorsque cette fréquence d’oscillation varie, les paramètres caractéristiques de la viscoélasticité de l’échantillon peuvent être mesurés (voir Tableau 1) :
Le module élastique G’
Le module de perte G’’
Le facteur de perte tan δ

Tableau 1. Paramètres rhéologiques et lien avec le comportement viscoélastique.
Pour mieux comprendre ces paramètres et leur signification au regard des produits de comblement, il convient de s’imaginer appliquer une contrainte mécanique oscillante à un bolus de gel et observer sa déformation.
Comme les produits de comblement ne sont pas des matériaux modèles, ils vont se comporter globalement comme des matériaux viscoélastiques, c’est-à-dire qu’ils vont se comporter en fonction de la combinaison relative des composantes élastiques et visqueuses de l’échantillon.
Cette combinaison peut bien entendu varier en fonction des produits testés et de leur technologie.
Pour mieux comprendre, le Table 1 définit les paramètres G’, G’’ et tan δ, et leur lien avec le comportement purement élastique, purement visqueux ou viscoélastique.
Un bolus de gel rigide aura un module élastique G’ très élevé et se comportera comme un élastique pur, c’est-à-dire comme un solide rigide.
En revanche, un gel au module visqueux G’’ très élevé n’exprime pas une mesure de viscosité mais plutôt un comportement de fluide, par opposition à un comportement solide.
La viscoélasticité est donc l’expression de la balance entre le comportement fluide et le comportement solide.
Le paramètre tan δ étant le ratio entre G’’ et G’, il exprime le comportement global du gel au travers de la prépondérance de l’une ou l’autre des composantes visqueuse et élastique :
Comportement majoritairement solide si tan δ < 1
Comportement majoritairement liquide si tan δ > 1
Ce paramètre rhéologique a longtemps été négligé au profit du module élastique seul dans la caractérisation des propriétés rhéologiques des produits de comblement.
Plus récemment, plusieurs auteurs ont réalisé l’intérêt de ce paramètre : tan δ constitue une mesure directement mesurée par le rhéomètre alors que les modules sont obtenus par un calcul effectué par la machine [3].
De plus, le couple G’ / tan δ pourrait aussi prédire les capacités volumatrices d’un produit de comblement [5].
C’est d’ailleurs ce dernier couple de paramètres G’ / tan δ que nous avons nous aussi choisi pour caractériser les propriétés rhéologiques de nos produits de comblement.
À la lecture du Tableau 1, il paraît rapidement évident que les produits de comblement sont des matériaux viscoélastiques. Lorsque la fréquence d’oscillation de la géométrie varie, nous pouvons suivre facilement l’évolution des paramètres rhéologiques mesurés.
Nous effectuons ainsi un balayage en fréquence qui permettra d’établir des courbes qui seront caractéristiques de l’équilibre entre la composante élastique et la composante visqueuse au sein du matériau testé.
Ces profils peuvent même permettre de tirer un certain nombre de conclusions sur la structure interne du produit.
La suite logique de ces mesures est d’exploiter les valeurs des différents paramètres.
Pour cela, G’ et tan δ sont classiquement présentés pour une valeur de fréquence donnée.
Mais quelle fréquence convient-il de retenir ? Idéalement, il faut qu’elle soit caractéristique de la fonction finale des produits testés.
Certains auteurs [6] font le choix de déterminer les paramètres rhéologiques à 5 Hz sans forcément le justifier.
D’autres par contre fixent une valeur de 0,7 Hz car cohérente vis-à-vis des contraintes mécaniques connues au niveau de la peau [9].
En absence de référentiel mécanique dans le contexte esthétique, les Laboratoires Vivacy ont choisi une fréquence de 1 Hz car elle est perceptible par l’homme et représentative de la fréquence de ses mouvements.
La rhumatologie ou l’orthopédie sont d’ailleurs deux spécialités médicales qui ont permis de faire avancer le choix de la fréquence de mesure.
En 2007, Shirin Kadi a déterminé qu’1 Hz correspondait à un mouvement lent caractéristique de la vie de tous les jours puisqu’elle représentait un intermédiaire entre la marche (0.5 Hz) et la course (2,5 Hz) [8].
D’autres auteurs ont d’ailleurs choisi 1 Hz comme fréquence pour investiguer les voies de dégradation des viscosuppléments soumis au stress oxydatif [1].
Enfin, c’est également la fréquence couramment utilisée pour investiguer les phénomènes d’usure liés à l’arthroplastie du genou et les substituts synoviaux [4].
Il est important de noter à ce stade que le balayage en fréquence utilisé pour déterminer les paramètres rhéologiques, permet de caractériser les gels au repos. En effet, la contrainte utilisée pour pouvoir réaliser ce test est de faible intensité.
CARACTÉRISTIQUES VISCOÉLASTIQUES AU REPOS
Vérification de la représentativité des mesures
Température
Les mesures rhéologiques réalisées au laboratoire sont effectuées à une température de 25°C (pour des facilités de manipulations), tandis que la température corporelle est de 37°C.
Afin de vérifier l’absence d’impact de la température sur les caractéristiques viscoélastiques des produits, des mesures en balayage en fréquence ont été effectuées sur le même gel à 25°C et à 37°C . (Produit STYLAGE M, Figure 5) :

Figure 5. Propriétés viscoélastiques du STYLAGE M à 25°C et 37°C. |

Figure 6. Propriétés viscoélastiques du STYLAGE M avant et après une injection simulée au travers de l’aiguille fournie avec le produit (30G1/2) |
Les résultats montrent que les courbes de G’ et tan δ sont superposées, que la mesure soit faite à 25 ou 37°C.
Les propriétés viscoélastiques des produits sont identiques à 25 et à 37°C. Les résultats obtenus à 25°C en routine sont bien représentatifs du produit une fois injecté dans les tissus.
Toutes les mesures présentées dans la suite des résultats ont été réalisées à 25°C.
Impact de l’injection
Lors de l’injection, le produit subit un cisaillement important lorsqu’il passe l’orifice restreint de l’aiguille ou la canule (27 à 30G selon le produit).
Il est donc pertinent de vérifier que la force de cisaillement reçue par le produit lors son injection n’endommage pas ses propriétés viscoélastiques.
À cet effet, des mesures comparatives ont été réalisées sur un produit avant et après une injection simulée (Figure 6).
Les courbes de G’ et tan δ obtenues sur le produit non injecté et sur le produit après simulation d’injection avec une aiguille de 30G1/2 sont superposées.
Cela signifie que l’injection ne modifie pas les propriétés viscoélastiques du produit.
Résultats : Caractérisation des propriétés viscoélastiques des produits STYLAGE
The Figure 7 ci-dessous présente les valeurs de modules élastiques (G’) et de tan δ mesurés à 1 Hz pour la gamme STYLAGE.

Valeurs de module élastique (G’) et de tan δ mesurés à 1 Hz pour la gamme STYLAGE |
CARACTÉRISTIQUES VISCOÉLASTIQUES EN DYNAMIQUE
Ces résultats montrent une augmentation progressive du module élastique (G’) et une diminution progressive du tan δ à mesure que l’on progresse dans la gamme. Les valeurs de G’ varient entre 100 à 290 Pa et le tan δ de 0,22 à 0,13.
Le produit STYLAGE® Hydromax, indiqué pour l’amélioration de la qualité de la peau, est le produit avec la valeur de G’ la plus faible (100 Pa) and the tan δ le plus haut (0,22).
Injecté dans les tissus superficiels (derme moyen), sa fluidité combinée à une faible rigidité lui permet de s’étaler facilement, et de s’intégrer de façon optimale dans les tissus denses en évitant de provoquer des irrégularités à la surface de la peau.
La classe des fillers comprend quatre produits et inclut un produit indiqué pour le remodelage des lèvres.
Ces produits ont des valeurs de G’ et tan δ intermédiaires, de 165 à 240 Pa pour le G’ et de 0,17 à 0,19 pour le tan δ.
The trois produits de comblement, allant du STYLAGE S au STYLAGE L présentent des valeurs de G’ croissantes, allant de 165 à 240 Pa.
La rigidité du produit augmente avec la profondeur d’injection (derme moyen à profond) et la sévérité de la ride (superficielle, moyenne ou profonde).
Les valeurs de tan δ sont comprises entre 0,17 et 0,19 ; et varient peu entre les trois produits.
Ces valeurs intermédiaires décrivent une fluidité relative afin d’obtenir un équilibre entre performance de comblement et intégration dans les tissus.
Le produit STYLAGE Special Lips possède des caractéristiques proches de celles du STYLAGE M.
En effet, la muqueuse labiale dans laquelle il est injecté se compose d’un tissu dense et fin, proche de celui du derme [7].
From caractéristiques intermédiaires seront donc adaptées à la fois à la finesse du tissu et à l’effet remodelant recherché.
Les produits STYLAGE XL et XXL, produits volumateurs, ont les valeurs de G’ les plus élevées de la gamme (290 Pa).
Injectés en profondeur, ces produits requièrent une rigidité importante pour soutenir les tissus et exercer une force de projection permettant de créer du volume.
Une fluidité limitée leur permet de bien rester en place au sein du tissu graisseux, et d’éviter l’étalement sous l’effet de la pression des tissus.
Les valeurs de tan δ sont de 0,13 pour le STYLAGE XXL et 0,16 pour le STYLAGE XL.
En effet, ces produits ont pour fonction la restauration et/ou la création de volumes, le choix entre les deux produits étant laissé à l’appréciation du médecin en fonction du profil de patient (âge, ethnie, sexe).
Ainsi les caractéristiques viscoélastiques des produits sont cohérentes avec les plans d’injection et les effets cliniques recherchés pour les différents produits :
La rigidité du produit augmente à mesure que l’on va vers des produits injectés en profondeur, d’une part pour une meilleure résistance à la tension exercée par les tissus (qui augmente avec la profondeur), et d’autre part pour être adapté à la nature de la ride à combler ou à la nécessite de créer du volume.
La fluidité du produit diminue pour une adaptabilité au tissu optimale : elle est importante pour les produits injectés en surface afin de privilégier l’étalement du produit et éviter les irrégularités ; et à l’inverse plus basse pour les produits injectés en profondeur qui nécessite une meilleure tenue du produit dans un environnement tissulaire graisseux caractérisé par une matrice extracellulaire moins dense [2].
Les caractéristiques viscoélastiques décrites ci-dessus sont représentatives d’une situation où le gel est au repos.
Cependant, une fois implanté, le produit subit des contraintes et des déformations liées d’abord à la mise en place du produit par le praticien, puis aux mouvements de la vie quotidienne qui peuvent impacter sa structure.
C’est pourquoi il est important de caractériser ses propriétés rhéologiques sous une sollicitation plus importante, au-delà de la zone de repos.

Figure 8. Mouvements de la géométrie lors du balayage en déformation
Méthode de balayage en déformation
Le balayage en déformation s’effectue avec le même équipement et la même géométrie que le balayage en fréquence, à la différence près que la géométrie va osciller à fréquence fixe et à des amplitudes croissantes comme schématisé dans la Figure 9.
Lorsque le gel se déforme, la conformation du réseau se modifie.
Au niveau microstructural, cela signifie que des liaisons physiques se rompent et que les chaînes se désenchevêtrent.
Cela se traduit, au moment de la sollicitation, par une baisse du module élastique et une augmentation du module de perte.
Plus la déformation est importante, plus le comportement élastique du produit diminue et le comportement visqueux augmente.
On considère que le produit est complètement déstructuré lorsque le comportement visqueux est équivalent au comportement élastique (G’ = G’’).
Pour apprécier les résultats, l’évolution des modules élastique et visqueux peut être tracée soit en fonction de l’amplitude de déformation (g), soit en fonction de la contrainte correspondante (τ) (Figure 9).
Dans cet essai, trois zones sont à observer :
Le domaine viscoélastique linéaire (DVEL): correspond à la plage de sollicitation où le G’ et le G’’ restent constants. La structure du produit n’est pas impactée par la sollicitation imposée.
Le domaine plastique : Zone où le gel se déstructure à mesure que la sollicitation augmente. Le G’ diminue et le G’’ augmente. Des liaisons physiques sont rompues localement mais la structure globale du gel n’est pas affectée. L’étendue du domaine plastique (en contrainte ou en déformation) nous renseigne sur la malléabilité du produit : il correspond à la plage de contrainte ou de déformation que le gel peut subir sans perdre l’intégrité de sa structure.
Le domaine d’étalement : À partir du point de croisement où G’ = G’’ (appelé aussi point d’étalement), le module de perte G’’ devient supérieur au module élastique G’ et le produit montre un comportement majoritairement visqueux (Tableau 1).
Le produit commence à s’écouler. Ensuite, les deux modules diminuent progressivement jusqu’à déstructuration complète du réseau. À noter que les liaisons chimiques (covalentes, comme les noeuds de réticulation) sont toujours présentes et ne sont pas impactées par la manipulation

Figure 9. Représentation schématique des courbes de G’ et G’’ obtenues lors du balayage en déformation.
Résistance à l’étalement et déformabilité des produits
Le point de croisement entre G’ et G’’ nous renseigne sur la résistance du gel à la déformation. Les valeurs de contrainte et de déformation auxquelles le gel atteint une déstructuration complète sont deux paramètres clés :
La contrainte seuil (τc) correspond à la force à appliquer pour déstructurer complètement le réseau. Ce paramètre correspond à la résistance du gel à l’étalement.
La déformation seuil (gc) correspond à la déformation que peut supporter le gel avant de perdre l’intégrité de sa structure. Ce paramètre correspond à la déformabilité du produit (capacité à se déformer).
Ces deux paramètres* sont représentés schématiquement dans la Figure 10:
La méthode de balayage en déformation a été appliquée à l’ensemble la gamme STYLAGE.
La Figure 11 présente les valeurs de contrainte seuil (τc) et déformation seuil (gc) obtenues pour les différents produits.
Les résultats montrent une augmentation de la résistance à l’étalement et de la déformabilité des produits à mesure que l’on progresse dans la gamme. Plus on évolue dans les produits, plus il faut appliquer une force importante pour déstructurer le réseau et plus il résiste à une déformation importante.

Figure 10. Représentation de la contrainte et de la déformation seuil pour le STYLAGE L. *

Figure 11. Valeurs de contrainte seuil et déformation seuil obtenues pour la gamme STYLAGE

Deux groupes de valeurs se distinguent :
Une contrainte seuil entre 90 et 290 Pa de STYLAGE Hydromax au STYLAGE M et autour de 500-600 Pa pour les STYLAGE L, XL et XXL. La contrainte seuil est doublée pour le second groupe.
Une déformation seuil entre 200 et 400 % de STYLAGE Hydromax au STYLAGE M et autour de 500 % pour les STYLAGE L, XL et XXL. Un plafond est atteint à partir du STYLAGE L.
Un gap de valeurs se produit entre le STYLAGE M et le STYLAGE L (représenté par une double flèche sur la Figure 11).
Le comportement du STYLAGE L se rapproche de celui des produits volumateurs pour ces deux caractéristiques. Ainsi, il est intéressant de constater qu’en clinique, le STYLAGE L est effectivement à la fois utilisé comme un filler puissant (dédié aux rides profondes) et comme un produit volumateur léger (dédié à la création de légers volumes).
En ce qui concerne la contrainte seuil :
Le produit STYLAGE Hydromax possède une faible résistance à l’étalement, en cohérence avec le profil recherché pour ce produit, i.e. une forte capacité à s’étaler pour permettre un nappage du produit dans les tissus superficiels denses.
Les produits de comblement possèdent une résistance à l’étalement croissante à mesure que la profondeur d’injection augmente. En effet plus le produit en injecté en profondeur, plus la tension exercée par les tissus est importante et plus le produit doit être capable de résister aux déformations et aux contraintes de l’environnement pour pouvoir combler la ride.
Les produits volumateurs possèdent une résistance à l’étalement maximale pour pouvoir supporter le tissu et assurer une capacité de projection. Cette propriété est particulièrement critique pour assurer une bonne rétention au niveau du site d’injection, qui peut présenter une certaine laxité en rapport avec l’histologie particulière des tissus graisseux.
En ce qui concerne la déformation seuil :
Le produit STYLAGE Hydromax possède une déformabilité limitée, ce qui est compatible avec son utilisation. Injecté en superficiel, le produit subit peu de contrainte des tissus environnants. Son utilisation orientée sur la qualité de la peau (hydratation, élasticité) ne requiert pas de propriétés mécaniques renforcées.
Les produits de comblement possèdent une capacité à se déformer croissante à mesure que la profondeur d’injection augmente. Plus le produit est injecté en profondeur, plus il va subir des déformations liées aux mouvements des tissus environnants. La capacité du gel à suivre ces mouvements sans perdre l’intégrité de sa structure est nécessaire pour assurer la performance clinique recherchée.
En outre, cette adaptabilité est sans doute un élément clef représentant un début d’explication à ce que les cliniciens appellent un résultat naturel.
Le produit injecté se doit d’être efficace dans la correction recherchée et en même temps doit pouvoir naturellement suivre les mouvements des tissus imprimés par les contractions musculaires.
Ce raisonnement est d’autant plus vrai pour les produits volumateurs qui sont injectés dans le tissu sous-cutané. L’intégrité de la structure sous des déformations importantes doit être maintenue pour garantir une bonne capacité de projection.
Comme pour la contrainte seuil, la déformabilité du STYLAGE L se distingue de celle des autres produits de comblement et est identique à celle des produits volumateurs. La capacité des produits à se déformer atteint un plateau.
Les trois produits (STYLAGE L, XL et XXL) possèdent une capacité de déformation similaire, mais leur résistance à l’étalement étant meilleure, une contrainte plus importante doit leur être appliquée pour parvenir à cette déformation.
Concernant la caractérisation des produits en dehors du domaine linéaire, un gap significatif est obtenu entre la classe des fillers et des volumateurs. Des caractéristiques bien distinctes sont obtenues pour ces deux classes de produits. Le produit STYLAGE L se comporte comme un produit volumateur lorsqu’il est soumis à une sollicitation renforcée.
Malléabilité des produits
L’étendue du domaine plastique (en contrainte ou en déformation) nous renseigne sur la malléabilité du produit : il correspond à la plage de contrainte ou de déformation que le gel peut subir sans perdre l’intégrité de sa structure. L’étendue du domaine plastique peut être exploitée en plage de contrainte (τc – τp) ou en plage de déformation (gc – gp) (voir Figure 9).
Des informations complémentaires ressortent des deux types de représentation.
Dans la Figure 12, les domaines plastiques des produits de la gamme STYLAGE sont représentés à l’aide des plages de contrainte :
Les résultats montrent que l’étendue de ce domaine plastique, et donc la malléabilité du produit augmente à mesure que l’on progresse dans la gamme de produits.
Cette représentation permet également de voir que le domaine plastique se décale vers des valeurs élevées de contrainte à mesure que l’on va vers les volumateurs.
La valeur de τp (début du domaine plastique) augmente au fur et à mesure, ce qui signifie que le domaine linéaire s’allonge et qu’une force plus importante peut être appliquée au produit sans que sa structure ne soit impactée (G’ et G’’ restent constants).
Cela caractérise un réseau de plus en plus dense et de plus en plus solide.



Figure 12. Domaine plastique (Plages de contraintes) pour la gamme STYLAGE.


Figure 13. Domaine plastique (Plages de déformations) pour la gamme STYLAGE.
The Figure 13 représente les domaines plastiques de la gamme STYLAGE avec les plages de déformations.
La représentation des domaines plastiques des produits en déformation montre que l’étendue des plages de déformation augmente à mesure que l’on progresse dans la gamme.
Comme pour la déformabilité (gc), la distinction entre les fillers et les volumateurs est bien nette.
La plage de malléabilité en déformation est identique pour le STYLAGE L et les deux produits volumateurs.
Les produits L, XL et XXL sont donc particulièrement adaptés aux indications nécessitant de pouvoir sculpter, donner une forme au produit juste après l’injection, l’exemple typique étant la correction des volumes du menton.
Cette représentation permet également de voir que le domaine linéaire en déformation est similaire pour l’ensemble de la gamme (valeur de gp similaire).
Cela signifie que la déformation à partir de laquelle le gel commence à être impacté est identique.


Figure 14. Corrélation entre la rigidité (module élastique G’) et la contrainte seuil (τc).
CONCLUSION
L’ensemble de ces résultats montrent que l’analyse de la viscoélasticité du gel au repos (couple G’/ tan δ) n’est pas suffisante pour caractériser pleinement le produit.
L’analyse des produits, lorsqu’ils sont soumis à une sollicitation mécanique simulant les contraintes qu’ils reçoivent une fois placés dans les tissus, permet d’accéder à de nouveaux paramètres tels que :
La résistance à l’étalement, ou contrainte seuil (tc)
La déformabilité du produit (gc), c’est-à-dire sa capacité à se déformer sans perdre l’intégrité de sa structure
La malléabilité du produit, correspondant à la plage de contraintes et de déformations dans laquelle le produit reste sculptable.
De plus, des corrélations peuvent être établies entre les caractéristiques au repos et en dynamique.
Dans le cas des produits STYLAGE, une corrélation existe entre la rigidité et la résistance à l’étalement des produits (Figure 14).
Les produits volumateurs (cadran supérieur droit) sont résistants à l’étalement et capables de contre-carrer fortement une contrainte mécanique.
En conséquence ils sont bien adaptés aux injections dans l’hypoderme.
Matrice extra-cellulaire lâche : le produit doit pouvoir rester à l’endroit où le praticien l’injecte (éviter les migrations) ;
Hypoderme profond : le produit a besoin d’une capacité de projection importante pour soutenir les tissus sus-jacents.
À l’inverse, les produits de type fillers s’étalent plus facilement. En conséquence ils sont bien adaptés aux injections dans le derme :
Matrice extra-cellulaire dense : le produit doit pouvoir épouser toutes les anfractuosités du tissu ;
Derme : le produit n’a pas une capacité de projection importante, ce qui permet d’éviter les irrégularités de correction.
Dans cette catégorie on trouvera notamment le produit STYLAGE Hydromax qui montre une belle capacité d’intégration tissulaire.
L’analyse de l’ensemble des paramètres nous permet donc de démontrer l’adéquation entre les caractéristiques rhéologiques des produits, l’intégration aux tissus et les performances cliniques recherchées (Tableau 2).
D’autres paramètres tels que la cohésivité des produits ou leur capacité de gonflement constituent des notions complémentaires à la rhéologie pour appréhender au mieux le comportement des produits une fois injectés.


Tableau 2. Récapitulatif des caractéristiques rhéologiques en accord avec les plans d’injection et les propriétés recherchées.
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