Injection genou

PLASMA RICHE EN PLAQUETTES ET GONARTHROSE SYMPTOMATIQUE. SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS INTERNATIONALES.

 Marine DELCROS, MD.

Les 4 grades de la gonarthrose selon Kellgren & Lawrence

INTRODUCTION

L’intérêt pour le plasma riche en plaquettes (PRP) autologue a émergé dans les années 70 avec la découverte de la libération de facteurs de croissance par les plaquettes [1].

  • Cette nouvelle option thérapeutique autologue, a fait évoluer le champ des possibles pour les pathologies de l’appareil locomoteur (pathologies cartilagineuses et tendinopathies majoritairement).
  • De nos jours, l’efficacité du plasma riche en plaquettes n’est plus à démontrer, mais son mode d’utilisation fait débat, en termes de variabilité de préparation, d’indications et de protocoles d’application.
  • La pratique d’utilisation de ce produit biologique demande à être protocolisée, avec de forts niveaux de preuves, l’expérience clinique seule n’étant pas suffisante [2].

L’arthrose est la pathologie articulaire chronique la plus communément répandue, ce « mal du siècle » affectant des millions d’individus dans le monde entier [3]. Son étude sur le genou est la plus rapportée.

  • Qu’en est-il de la place du plasma riche en plaquettes dans l’arsenal thérapeutique de la gonarthrose symptomatique ?
  • Le but de cet article est de réaliser une synthèse des recommandations des sociétés savantes internationales qui s’attellent à rédiger des guidelines les plus standardisées et objectives possibles, dans une démarche d’Evidence Based Practice.
    • ESSKA (The European Society of Sports Traumatology, Knee Surgery and Arthroscopy) [4]
    • GRIIP (Groupe de Recherche Internationale sur les Injections de Plaquettes) [5]
    • SIOT (Italian Society of Orthopaedics and Traumatology) [6]
    • GOTS (German Society of Orthopaedics and Traumatology) [7]
    • NICE (National Institute for Health and Care Excellence) [2]

L’efficacité clinique du PRP dans la gonarthrose a été évaluée dans de nombreuses études contrôlées, contre placebo (solution saline), et contre les thérapeutiques infiltratives généralement utilisées (acide hyaluronique, corticostéroïdes), en basant les résultats sur des critères :

  • de douleur,
  • de fonction,
  • de qualité de vie,
    • avec les indices de VAS (Visual Analogic Scale),
    • de WOMAC (Western Ontario and McMaster Universities Arthritis Index),
    • IKDC (The International Knee Documentation Committee)
    • et KOOS (Knee Injury and Osteoarthritis Outcome Score).

Les indications à infiltrer du PRP se centrent sur les gonarthroses de stades minime à modéré (≤ aux stades III), selon la classification de Kellgren & Lawrence.

Bien que les résultats attendus restent faibles, le PRP reste indiqué dans la gonarthrose sévère stade IV pour les patients porteurs de comorbidités contre-indiquant la chirurgie ou souhaitant reculer au maximum le geste chirurgical.

L’ensemble des experts s’accordent quant aux axes des traitements conservateurs:

  • en première intention demeurent l’activité physique,
  • la perte de poids,
  • la rééducation,
  • associés aux traitement per os :
    • chondroïtine ou glucosamine en prise chronique,
    • anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) de façon ponctuelle en cas de
    • Selon ces recommandations, le PRP rentre en seconde ligne, en cas d’échec de la viscosupplémentation.
    • Les corticostéroïdes (CTS) limités à 3 injections par an, sont réservés aux crises sévères aiguës.

En effet, la toxicité chondrale des corticostéroïdes, associée à une accélération de la dégradation cartilagineuse et leur effet limité dans le temps font réserver les CTS aux récurrences d’épisodes congestifs et aux crises douloureuses.

  • Le PRP montre un effet bénéfique sur plus long terme, avec moins d’effets indésirables associés.

En parallèle, de nombreuses méta-analyses objectivent une amélioration clinique du PRP, associé à un effet à plus long terme, comparé aux infiltrations d’acide hyaluronique (AH).

Il s’agit alors de porter une attention particulière aux formules d’AH impliquées :

  • les formules de bas poids moléculaire étant réservées aux stades légers de
  • tandis que les formules de haut poids moléculaire s’avèrent plus efficaces sur les stades avancés.

L’association PRP-AH aurait tout son intérêt, en potentialisant les effets de chacun.

Les tubes Cellular Matrix® permettent la préparation de plasma riche en plaquettes autologue (RegenPRP®) associé à un Acide Hyaluronique non réticulé (AH) dans un système en circuit fermé.

Toutes les sociétés savantes s’accordent à contre indiquer l’utilisation conjointe du PRP à un anesthésiant ou à un CTS, afin d’éviter de potentielles interactions négatives, du fait de leur toxicité plaquettaire in vitro [8].

La standardisation des protocoles d’application du PRP est essentielle : concernant le nombre d’infiltrations recommandées, la majorité des articles rapportent une supériorité des injections multiples (2 à 3 fois) plutôt qu’en injection unique [9], les grades de gonarthrose les plus faibles rapportant plus de réponse avec peu d’infiltrations [4].

Un intervalle de 3 semaines entre 2 gestes doit être respecté [4], correspondant à la principale période d’activité et de libération des facteurs des croissance.

Il paraît évident que la réalisation du geste infiltratif sous contrôle échographique ou fluoroscopique soit à privilégier [6]. Sans écho-guidage, l’infiltration intra-articulaire par voie latérale est la plus recommandée

Les    mécanismes    physiopathologiques  du PRP sont complexes et multifactoriels. Ils impliquent plusieurs acteurs biologiques :

  • des enzymes,

  • des protéines :

    • albumines, globulines,

    • facteurs de coagulation,

    • fibrinogène,

  • des cytokines pro et anti-inflammatoires qui agissent dans l’activation plaquettaire,

  • des facteurs de croissance en nombre et en type différents, induisant dès lors des processus de migration, de prolifération et de différenciation cellulaire.

  • Le fibrinogène plasmatique, une fois converti en fibrine, sert de support pour cette migration cellulaire et reconstruction tissulaire.

Il n’y a pas de consensus sur la formulation exacte du PRP.

  • La variabilité inter-individuelle de composition du PRP est difficilement contrôlable. Les plaquettes sont au centre du processus physiopathologique et jouent un rôle certain dans les effets thérapeutiques, mais aucune corrélation claire n’a été établie entre leur nombre et les résultats cliniques.
  • Il n’y a pas lieu de se focaliser sur un taux minimum de plaquettes, du moment que la numération formule sanguine du patient se situe dans la normale.
  • Il s’agit surtout de se focaliser sur la manière de produire le PRP [2] :
    • standardiser les procéder de centrifugations,
    • de manipulation des produits…
    • afin d’assurer un produit avec des plaquettes vivantes et

De même, la tendance actuelle est aux gros volumes de PRP injectés : cela reste intéressant dans le cadre d’infiltrations multiples lors d’ une même consultation.

Néanmoins, d’un point de vue quantitatif, l’intérêt semble restreint, puisque la liaison d’un facteur de croissance à son récepteur sur la membrane cellulaire déclenche une et une seule réponse cellulaire à la fois (migration, prolifération, différenciation, production de protéines…).

Or l’augmentation de la concentration en plaquettes ou en facteurs de croissance n’a pas plus d’effet [10]. En outre, les facteurs de croissance une fois sécrétés ont une demi-vie courte : le surplus est superflu.

D’un point de vue qualitatif, le PRP se différencie des solutions de facteurs de croissance purifiées, car les plaquettes sécrètent les facteurs de croissance de manière contrôlée et orchestrée tout au long du processus régénératif [11].

Quid de la concentration leucocytaire ?

Rappelons que l’arthrose se caractérise par une dégradation progressive de la matrice extracellulaire du cartilage et par une inflammation de faible intensité de la membrane synoviale.

La corrélation de l’effet du PRP et du seul taux de leucocytes est surestimée puisque d’autres facteurs sont impliqués.

Aucune des options n’est prépondérante, chacune apportant des avantages selon les indications :

  • le LR-PRP (PRP riche en leucocytes) serait utile pour les tendinopathies [12],
  • tandis qu’on privilégiera un LP-PRP (PRP pauvre en leucocytes) pour la gonarthrose [13].

Nous ne sommes pas au bout de nos découvertes : une équipe de chercheurs de Créteil a démontré récemment que le PRP contient des glycosaminoglycanes (GAG), ces dernières présentant des différences significatives en termes de concentration, de propriétés structurelles et fonctionnelles, entre le PRP d’un patient sain et le PRP d’un patient atteint de gonarthrose.

L’effet thérapeutique du PRP pourrait être médié par sa composition en glycosaminoglycanes et leurs interactions avec les facteurs de croissance, dont la plupart sont des protéines de liaison à l’héparine (HBP), impliquant des répercussions sur le phénotype des chondrocytes et des synoviocytes [14]. Il a également été démontré dans une étude clinique, que 3 injections de LP-PRP modifient positivement la composition du liquide synovial [15].

La médecine est en constante évolution, emportant avec elle son lot d’interrogations et de remise en question.

Il s’agit d’améliorer ces recommandations pour une utilisation reconnue toujours plus standardisée et harmonisée du PRP, en se concentrant sur les méthodes de préparation et les protocoles d’application.

Un plasma riche en plaquettes, certes. Riche de possibilités et de promesses, assurément.

RÉFÉRENCES

  1. Ross R, Glomset J, Kariya B, Harker L. A platelet-dependent serum factor that stimulates the proliferation of arterial smooth muscle cells in vitro. Proc Natl Acad Sci U S A. 1974;71(4):1207-10.
  2. Platelet-rich plasma injections for knee osteoarthritis; Interventional procedures guidance [IPG637]. 2019.
  3. Fusco M, Skaper SD, Coaccioli S, Varrassi G, Paladini A. Degenerative Joint Diseases and Neuroinflammation. Pain practice : the official journal of World Institute of Pain. 2017;17(4):522-32.
  4. Use of injectable orthobiologics for the treatment of knee osteoarthritis Part 1: blood-derived products (alias PRP). 2022.
  5. Eymard F, Ornetti P, Maillet J, Noel E, Adam P, Legre-Boyer V, et al. Intra-articular injections of platelet-rich plasma in symptomatic knee osteoarthritis: a consensus statement from French-speaking experts. Knee Surg Sports Traumatol 2021;29(10):3195-210.
  6. Pesare E, Vicenti G, Kon E, Berruto M, Caporali R, Moretti B, Randelli Italian Orthopaedic and Traumatology Society (SIOT) position statement on the non-surgical management of knee osteoarthritis. Journal of orthopaedics and traumatology : official journal of the Italian Society of Orthopaedics and Traumatology. 2023;24(1):47.
  7. Tischer T, Bode G, Buhs M, Marquass B, Nehrer S, Vogt S, et al. Platelet-rich plasma (PRP) as therapy for cartilage, tendon and muscle damage – German working group position statement. J Exp Orthop. 2020;7(1):64.
  8. Carofino B, Chowaniec DM, McCarthy MB, Bradley JP, Delaronde S, Beitzel K, et Corticosteroids and local anesthetics decrease positive effects of platelet-rich plasma: an in vitro study on human tendon cells. Arthroscopy. 2012;28(5):711-9.
  9. Huang PH, Wang CJ, Chou WY, Wang JW, Ko JY. Short-term clinical results of intra- articular PRP injections for early osteoarthritis of the knee. Int J Surg. 2017;42:117-22.
  10. Filardo G, Kon E, Pereira Ruiz MT, Vaccaro F, Guitaldi R, Di Martino A, et Platelet-rich plasma intra-articular injections for cartilage degeneration and osteoarthritis: single- versus double-spinning approach. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc. 2012;20(10):2082-91.
  11. Golebiewska EM, Poole Secrets of platelet exocytosis – what do we really know about platelet secretion mechanisms? Br J Haematol. 2013.
  12. Fitzpatrick J, Bulsara M, Zheng The Effectiveness of Platelet-Rich Plasma in the Treatment of Tendinopathy: A Meta- analysis of Randomized Controlled Clinical Trials. The American journal of sports medicine. 2017;45(1):226-33.
  13. Riboh JC, Saltzman BM, Yanke AB, Fortier L, Cole Effect of Leukocyte Concentration on the Efficacy of Platelet-Rich Plasma in the Treatment of Knee Osteoarthritis. The American journal of sports medicine. 2016;44(3):792-800.
  14. Saadan C, C F, Cachen L, Lammari Y, Boezennec B, Eymard F, Albanese Caractérisation structurale et fonctionnelle de la composante glycanique du plasma riche en plaquettes. Revue du Rhumatisme. 2023;90:A87.
  15. Chen CPC, Cheng CH, Hsu CC, Lin HC, Tsai YR, Chen The influence of platelet rich plasma on synovial fluid volumes, protein concentrations, and severity of pain in patients with knee osteoarthritis. Experimental gerontology. 2017;93:68-72.

 

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