Un autre regard sur la santé esthétique du visage
Les nouveaux liftings.
Pr ean-Paul Meningaud,MD.
Pr ean-Paul Meningaud,MD.
Sous la pression de la médecine esthétique, les liftings sont devenus de moins en moins invasifs et surtout plus efficaces.
Lorsque j’étais étudiant, les liftings consistaient uniquement à décoller et à tirer la peau. Les cicatrices étaient considérables. Les patientes avaient des suites longues et difficiles. Leur visage avait l’air tiré. Il leur était difficile de cacher qu’elles avaient eu un lifting. L’effet réel d’un lifting était d’à peine trois ans.
Sous la pression de la médecine esthétique, les liftings sont devenus de moins en moins invasifs et surtout plus efficaces.
Il a fallu montrer que l’on pouvait obtenir nettement plus en termes de rajeunissement avec des suites courtes compatibles avec une vie professionnelle active.
Le lifting s’est démocratisé et s’adresse donc principalement à des personnes qui travaillent. Il faut que les patientes (ou patients) puissent récupérer en quinze jours au plus.
Le lifting moderne vise à minimiser les cicatrices et dans tous les cas à les rendre insoupçonnables.
En cas de cicatrices résiduelles, il reste la possibilité de les masquer grâce à la dermopigmentation médicale.
Le lifting prend désormais en considération le vieillissement de la peau elle-même.
Il ne s’agit plus uniquement de retendre une peau flétrie, mais de lui redonner sa jeunesse. Un travail en trois dimensions est réalisé. On ne veut plus de ces visages tirés, plats, sans relief. Il faut composer avec les volumes, en effacer certains, en recréer d’autres. Un travail important est désormais réalisé sur les muscles eux-mêmes et non uniquement sur la peau. Ce n’est plus la peau qui supporte la tension du lifting, mais le plan musculaire. Par ailleurs, une meilleure compréhension du vieillissement de la face a permis d’envisager de retendre certaines fibres musculaires, mais d’en détendre d’autres, parfois au sein d’un même muscle, tel le muscle peaucier du cou.
Les liftings sont devenus conservateurs, c’est-à-dire respectueux des tissus, en enlevant moins de peau ou graisse.
À l’extrême, on ne retire pas de peau, la reconstitution des volumes perdus suffit. La plastie du cou est enfin devenue durablement efficace avec des résultats prédictibles.
De nombreux tâtonnements ont été nécessaires pour arriver à ce résultat.
On peut maintenant retrouver un cou gracieux en garantissant un angle de 90 à 110° entre le cou et la face sans enlever de peau. Nous y reviendrons.
La zone médio-faciale est désormais prise en compte. La chirurgie maxillo-faciale a permis également d’accentuer le rajeunissement de certaines zones par l’intermédiaire d’actions sur les os de la face, soit par des découpages osseux que l’on appelle ostéotomies, soit par des petites prothèses associées, pour mettre en valeur les pommettes ou effacer des sillons nasogéniens rebelles aux techniques d’injection.
Plusieurs avancées ont permis ce résultat.
Auparavant, les cicatrices étaient simplement cachées dans les cheveux et dans un pli devant l’oreille. Mais comme le lifting reposait essentiellement sur une traction de la peau, les cicatrices finissaient par s’élargir et devenir visibles, interdisant certaines coiffures. Souvent, elles donnaient un aspect de lobules d’oreille tirés vers le bas modifiant ainsi son anatomie et signant définitivement le lifting.
Actuellement, il est considéré que le lifting ne doit plus reposer sur une tension cutanée. Après remise en tension de certains muscles (et relâchement d’autres muscles), la peau doit s’appliquer sans tension. Par ailleurs, une partie importante de la cicatrice peut être cachée à l’intérieur de l’oreille dans le conduit auditif externe.
Une nouvelle technique de suture appelée suture trichophytique permet de rendre invisibles les cicatrices du cuir chevelu, amenant les cheveux à repousser à travers elles [1].
On doit ce progrès à un chirurgien capillaire sud-coréen auquel j’ai eu l’opportunité de rendre visite en 2015 dans son institut à Seoul, le Dr Dae Young Kim.
Enfin, une récente innovation d’origine brésilienne, permet de réduire à quasiment zéro le risque d’hématomes, tout en se passant des drains et en réduisant considérablement les suites [2].
Le vieillissement de la peau est pris en considération. Lorsqu’en 1996 j’assistais le Dr Oscar Ramirez à Baltimore aux États-Unis, il réalisait déjà un traitement simultané de la peau au laser.
À la même époque, de nombreux chirurgiens français, notamment le Dr Vladimir Mitz [3] dont j’ai été l’élève, réalisaient des dermabrasions à la fin de leurs liftings. La dermabrasion est une sorte de peeling mécanique.
Dans les deux cas, il ne s’agissait pas d’un traitement « chirurgical » de la peau, mais plutôt d’un traitement médical associé. Les suites étaient assez longues et parfois difficiles avec des phlyctènes (ampoules), un érythème tenace (rougeurs) et d’éventuelles récurrences d’herpès.
Le traitement moderne des séquelles de brûlure a révolutionné le traitement chirurgical de la peau lésée.
Déjà en 1996, le Dr Fuente del Campo, à qui j’avais rendu visite à cette époque à l’hôpital Angeles de Pedregal à Mexico, utilisait des injections de graisse purifiée pour améliorer la qualité de la peau victime de brûlures.
Il améliorait ce que l’on appelle la trophicité des séquelles de brûlure, c’est-à-dire la souplesse, l’élasticité, la couleur et le grain de la peau. Mais les résultats étaient aléatoires. On obtenait tantôt des résultats extraordinaires, tantôt des résultats décevants, sans comprendre pourquoi.
Ces résultats ont été considérablement améliorés grâce aux travaux de nombreux chirurgiens et notamment ceux du Dr Sidney Coleman [4, 5].
LE LIFTING EST UN TRAVAIL ARTISTIQUE EN TROIS DIMENSIONS
Le vieillissement s’accompagne d’un effacement des volumes, notamment au niveau des pommettes, créant ce que l’on appelle poétiquement « la vallée des larmes ». Avec l’âge, des rides profondes se créent au niveau des sillons nasogéniens. Un peu plus bas, une accumulation de graisse se fait au niveau des bas-joues. Enfin, sous le menton la graisse s’accumule avec les années.
Il faut donc, pour chaque patient, définir une stratégie spécifique visant à reconstituer certains volumes et en effacer d’autres. Dans son arsenal thérapeutique, le chirurgien dispose de plusieurs armes.
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Il peut notamment déplacer des graisses grâce au lifting centro-facial. Il s’agit de lifter toute la région située entre les paupières et la lèvre supérieure avec des attaches solides sur le rebord orbitaire inférieur.
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La chirurgie peut aussi réaliser un traitement direct sur la graisse par ablation ou ajout. Une bonne connaissance de l’anatomie permet d’aspirer la région sous-mentale ou des zones autrefois considérées comme délicates telles les bajoues. En effet, dans cette région le nerf facial est à proximité, mais une bonne connaissance des plans et une orientation correcte de la canule d’aspiration rend le geste sûr.
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Les techniques d’injection de graisse expliquées plus haut pour améliorer la trophicité (qualité) de la peau peuvent aussi être utilisées pour recréer des volumes à des endroits définis.
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Enfin, le chirurgien peut agir chirurgicalement ou chimiquement sur le tonus de repos des muscles qui a tendance à s’accentuer avec l’âge et à segmenter la graisse. Cette segmentation crée des rides, des sillons, des cernes, mais aussi à chaque fois de part et d’autre des amas de graisse.
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Avec le vieillissement, nous perdons de la force musculaire. Il s’agit de la sarcopénie. Paradoxalement, le tonus de repos des muscles augmente. En vieillissant, on se contracte.
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À un stade précoce, une correction peut être apportée par des injections de toxine botulique.
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Une correction plus efficace et plus définitive peut être apportée par des sections ou des plasties d’allongement de certaines fibres musculaires.
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Trois zones sont essentiellement concernées :
. Le bord antérieur du muscle peaucier du cou ;
. La glabelle où se situent les rides du lion (zone située entre les sourcils) ;
. Et la région située sous le coin des lèvres où apparaissent les plis d’amertume.
. D’autres muscles au contraire, ont tendance à se relâcher.
Il existe plusieurs techniques pour le faire dont certaines sont mini-invasives par endoscopie. Une instrumentation adaptée a été créée.
La dissection du plan musculaire que l’on appelle le SMAS (Système Musculo Aponévrotique Superficiel) permet de diminuer l’étendue de la dissection cutanée, et donc d’être à la fois plus efficace et moins traumatisant.
Le Dr Vladimir Mitz est le premier à avoir décrit le SMAS (système musculo aponévrotique superficiel) qui a révolutionné la prise en charge des liftings. The Superficial Musculo Aponeurotic System (Smas). In The Parotid And Cheek Area. Mitz, Vladimir, Peyronie, Martine Plastic and Reconstructive Surgery: July 1976 – Volume 58:80-88.
Une autre avancée est apparue récemment dans le domaine du rajeunissement facial. Il s’agit de la prise en compte du vieillissement des glandes salivaires.
Nous avons quatre glandes principales : les deux glandes parotides et les deux glandes submandibulaires. Avec l’âge, elles ont tendance à s’hypertrophier et se ptoser. Cela est bien sûr variable d’une personne à l’autre, mais toujours favorisé par les prises de poids/amaigrissement itératifs.
L’hypertrophie des glandes parotides a tendance à donner un visage en forme de « poire ».
Auparavant, le traitement en était complexe puisqu’il fallait réaliser une chirurgie risquée pour le nerf facial.
Un traitement alternatif beaucoup plus simple et très efficace consiste à réaliser une plicature du fascia qui recouvre la glande.
Concernant les glandes submandibulaires, le diagnostic d’hypertrophie et de ptose doit absolument être fait en préopératoire du lifting.
Sinon, après dégraissage du cou et remise en tension musculaire, les glandes peuvent apparaître paradoxalement beaucoup plus saillantes. Si elles sont hypertrophiées, il convient d’en réaliser l’exérèse partielle. Il s’agit désormais d’une technique bien codifiée et sûre. Si elles sont simplement ptosées, il est possible de les amarrer vers le haut.
RÉFÉRENCES