Premiers pas

 AIME Paris 2022 SYMPOSIUM « VIVACY »

Comment harmoniser les contours du visage et sublimer les lèvres en toute élégance ?

Dr Sophie Converset-Viethel, MD

Dr Chloé Faure, MD

Pr Barbara Hersant, MD

1. INTRODUCTION

Les injections de produits de comblement, notamment d’acide hyaluronique au niveau du visage et plus particulièrement des lèvres sont en ce moment très à la mode et de plus en plus médiatisées par le biais des réseaux sociaux. Ainsi on assiste à des demandes émanant de patient(e)s de plus en plus jeunes.

Du fait de cette démocratisation des injections d’acide hyaluronique, l’acte est souvent « banalisé » et prit à la légère par les patient(e)s, néanmoins il est important de se souvenir que cela reste un acte médical qui n’est donc pas dénué de risque et pour lequel il existe un certain nombre de règles à respecter pour la bonne pratique.

Il existe de nombreuses techniques d’injection, notamment en ce qui concerne les lèvres avec des résultats plus ou moins naturels mais l’essentiel à retenir est évidemment de respecter la demande des patientes.

Le but de ces communications est donc de rappeler les principes de bases afin d’optimiser les résultats et d’éviter les complications.

2. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU VIELLISSEMENT

A/ RAPPELS ANATOMIQUES 

La face est composée de plusieurs couches tissulaires, de la superficie à la profondeur (fig.1)

  • La couche cutanée, la peau.
  • La graisse superficielle, présente partout au niveau du visage c’est-à-dire du front jusqu’au cou. A noter qu’il existe au sein de cette couche des différences entre la zone latéro-faciale et la zone péribuccale. En effet, la zone péri buccale est beaucoup plus soumise aux forces musculaires et disparait ainsi plus vite avec l’âge.
  • Les ligaments de la face, qu’il est possible de casser ou d’affaiblir à la canule. [1]
  • La couche musculaire avec les muscles notamment de la mimique, couche qui contient également la vascularisation.

On retrouve en particulier l’artère faciale, qui nait du cou puis chemine en suivant un trajet qui passe sous le platysma, sous le dépresseur angulis oris, puis sous le muscle grand zygomatique.

Elle bifurque ensuite au niveau de l’insertion du grand zygomatique, c’est-à-dire au niveau de la commissure labiale, en artère faciale et artère coronaire supérieure, aussi appelée labiale supérieure.

L’artère labiale supérieure a dans la majorité des cas le même calibre que l’artère faciale, donc relativement important.

Son trajet est sous muqueux, rétro-musculaire, en arrière du muscle orbiculaire des lèvres.

A noter qu’il n’y a pas de variation anatomique concernant l’artère labiale, contrairement à l’artère faciale qui peut varier au niveau du sillon naso-génien.

  • La graisse profonde sous-musculaire, par exemple au niveau orbitaire avec le « SOOF » (SubOrbicularis Oculi Fat) situé derrière le muscle orbiculaire et la « Orbital Fat Pad » au niveau de la paupière inférieure (fig. 2)
  • Le périoste.

B / PHYSIOLOGIE DU VIEILLISSEMENT FACIAL

Le concept des triangles permet d’illustrer le vieillissement. La beauté est incarnée par le triangle inversé, c’est-à-dire à base supérieure donc avec du volume plutôt répartit sur les tiers supérieur et moyen et moins de volume à la partie inférieur.

Avec le temps et le vieillissement on assiste à une inversion du triangle avec la répartition des volumes qui dessine un triangle à base inférieure.

Toutes les couches citées précédemment sont soumises au vieillissement physiologique qui est un phénomène multifactoriel.

La peau perd en élasticité, la graisse sous cutanée s’atrophie et on assiste à une ptose graisseuse.

Concernant les muscles ils s’atrophient également avec l’âge mais sont également responsables d’une modification de la répartition des graisses. Par exemples au niveau orbiculaire, à force de se contracter les muscles exercent des forces mécaniques sur les tissus graisseux qui sont à la fois chassés vers le haut, entrainant l’apparition des poches au niveau des paupières inférieures, mais également chassés vers le bas avec apparition de ce que l’on appelle la vallée des larmes. 

Enfin, il ne faut surtout pas sous estimer le vieillissement osseux. On assiste avec l’âge à une résorption osseuse notamment au niveau de l’os temporal responsable de tempes creuses.

La posture, la kinésithérapie, la chirurgie orthognatique ou encore l’orthodontique jouent un rôle important et permettent dans certains cas de freiner ce vieillissement osseux.

 Ainsi avec le vieillissement on observe :

  • Des rides liées au vieillissement musculaire et à la rétraction cutanée
  • Des couloirs de glissement, secondaires à une ptose de la graisse liée à la pesanteur et à une atrophie graisseuse avec apparition de creux notamment au niveau du « mid face » et « péri orbitaire ».
  • Une impression d’excès cutanéo-graisseux lié à la résorption osseuse.

 

Pour rajeunir un visage il ne faut donc pas hésiter à combler la partie haute de la face et plutôt jouer sur le repositionnement des tissus dans la partie inférieure afin de retrouver le triangle inversé. Des injections profondes, au contact osseux peuvent être réalisées assez tôt aux alentours de 35/40 ans afin de soutenir les tissus superficiels.

A noter, le cartilage en particulier au niveau du nez vieillit énormément également et on observe une production de cartilage avec l’âge responsable d’une pointe tombante et de l’apparition d’une bosse sur le dorsum.

Il en est de même pour les rhinoplasties chirurgicales qui vieillissent également.

C/ LES ZONES PIÈGES

Il existe au niveau de la face quelques « zones dangereuses » qu’il faut éviter.

La première est représentée par l’artère temporale superficielle, qui est située au niveau de la fosse temporale. Une lésion de cette artère n’entraine normalement pas de risque vasculaire ni de nécrose, simplement un hématome ou une ecchymose.

Plus important, il faut éviter également l’artère faciale en profondeur, on peut la dessiner pour l’éviter selon un trajet oblique de la commissure jusqu’au bord basilaire mandibule (fig. 3).

Au niveau de la houppe mentonnière : pas de danger pour les nerfs qui sont situés plus latéralement et plus haut.

3. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES HARMONISER LES CONTOURS DU VISAGE ET SUBLIMER LES LÈVRES EN TOUTE ÉLÉGANCE

Quel matériel ?

En premier lieu, il est important de respecter les recommandations établis par les laboratoires commercialisant le produit.

En effet les études cliniques réalisées sur les produits sont effectuées avec la seringue et l’aiguille fournies dans les boites. Les propriétés de l’acide hyaluronique sont ainsi obtenues pour une utilisation avec un certain type de matériel.

Toute modification du matériel risquerait d’engendrer une modification des propriétés rhéologiques (= comportement mécanique) de l’acide hyaluronique en question. 

Le respect du conditionnement proposé par les laboratoires garantit donc une efficacité optimale du produit.

Aiguille ou canule ?

Il est conseillé autant que faire se peut de réaliser les injections à la canule, ce qui présente de nombreux avantages.

Premièrement, la médecine repose sur le principe de « primum non nocere », l’utilisation de la canule permet ainsi de respecter ce principe en évitant les risques vasculaires

Par ailleurs, l’utilisation d’une canule permet de contrôler le trajet et la position de l’extrémité de la canule, cela évite également les changements de trajet et rend ainsi l’injection moins risquée.

L’injection à la canule est probablement plus rapide qu’à l’aiguille, et permet d’éviter les amas de produit en paquet et un modelage rapide.

Il est important de retenir qu’on peut avoir les mêmes résultats à la canule qu’à l’aiguille tout en gagnant en sécurité.

Cependant quelques inconvénients existent, par exemple les résistances peuvent être plus importantes avec la canule dans certaines zones.

Il faut également prévenir la patiente qu’un œdème sera présent après le geste, plus important avec la canule qu’avec une aiguille, avec une résorption en 15 à 21 jours.

Concernant le choix de la canule, plus la canule est de gros diamètre et rigide et moins on prend de risque, une canule très fine se comporte quasiment une aiguille, ainsi une taille de 25G semble un bon compromis.

Il existe néanmoins des endroits infaisables à la canule notamment au niveau du périoste, dans ce cas on effectue un trajet direct jusqu’au contact osseux pour être en sécurité.

Qu’en est-il de l’anesthésie ?

Une anesthésie locale peu être réalisée, elle rend le geste plus confortable pour les patients mais n’est pas obligatoire car elle est souvent source d’ecchymose.

Si elle est pratiquée, il est conseillé d’éviter de réaliser des blocs locaux car on ne peut pas injecter parfaitement identiquement la lidocaïne des deux côtés ce qui risque d’entrainer des petites asymétries au niveau de la mimique et il est par la suite impossible de savoir si l’asymétrie est liée à l’injection ou à l’anesthésie.

Pour l’anesthésie préférez donc une injection sous muqueuse qui peut néanmoins être source d’ecchymose ou une application de crème EMLA® avant le geste.

4. FOCUS SUR LES LÈVRES

  • Les injections des lèvres sont actuellement très demandées et la mode actuelle est aux lèvres pulpeuses, mais il ne faut pas oublier que la lèvre naturelle respecte un rapport 1/1,6.
  • La projection de l’artère labiale (supérieure et inférieure) se trouve à la jonction lèvre sèche-lèvre humide de la lèvre rouge (supérieure et inférieure)
Les lèvres rouges
  • Lèvre rouge supérieure :

L’injection se fait comme vue précédemment à la canule de taille 25 gauge, la seule chose faite à l’aiguille est le pré-trou au niveau de la lèvre rouge, souvent responsable d’ecchymose.

Il faut veiller à être bien sous-muqueux, car le muscle orbiculaire des lèvres est extrêmement fin et l’artère qui est rétro-musculaire est ainsi très proche du site d’injection.

Le plan sous-muqueux est trouvé au niveau de la jonction lèvre sèche lèvre humide de la lèvre rouge.

  • Lèvre rouge inférieure

En ce qui concerne la lèvre rouge inférieure, l’injection est plus risquée car la lèvre est souvent un peu éversée, on se situe donc d’emblée sur la jonction lèvre sèche-lèvre humide de la lèvre rouge.

Comme en supérieur, il est important de rester en sous muqueux pour éviter l’artère labiale inférieure.

  • Lèvre blanche supérieure 

On observe souvent avec l’âge de nombreuses ridules au niveau de la lèvre blanche supérieure, aussi appelée « code barre ».  

Le code barre est lié à la disparition du tissu graisseux superficiel entrainant l’apparition de tractiles fibreuses entre la peau et le muscle. Le fait de passer la canule permet déjà de casser ces tractiles et une diminution des rides, mais cela ne suffit pas car elles risquent de se reformer.

L’application de l’acide en nappage évite ainsi la reformation de ces tractiles fibreuses. Pour corriger ceci, l’injection doit être extrêmement superficielle au niveau du tissu gras superficiel. En général une injection de 0,2 ml suffit.

S’il existe une atrophie de la lèvre blanche dans ce cas on se place en sous muqueux, sous le lambeau graisseux, dans le plan des vaisseaux pour redonner du volume.

Il ne faut pas négliger le traitement de la lèvre blanche. Si on ne traite pas cette lèvre blanche on obtient de moins bon résultats.

 

Commissures labiales

Il existe une indication au niveau des lèvres pour laquelle l’utilisation d’une canule n’est pas optimale, c’est pour relever commissure latérale.

Cependant à cet endroit il n’y a pas de vaisseaux.

En effet la bifurcation des coronaires supérieure et inférieure a lieu à 8 mm de la commissure latérale, l’injection à l’aiguille est donc moins risquée.

L’aiguille peut également être utile pour l’injection des crêtes philtrales.

5. COMMENT OBTENIR UN EMBELLISSEMENT DU VISAGE [2] [3]

Les tempes

Si l’on observe un bébé, ses tempes sont bombées et forment un lien convexe entre le front et le zygoma. Avec le temps et la résorption osseuse la tempe se creuse.

Le comblement des tempes passera inaperçu mais entrainera inconsciemment une sensation de jeunesse dans le regard de l’autre.

Pour combler les temps :

L’injection se fait avec un produit très réticulé dans la fosse temporale au niveau de la zone la plus creuse en évitant les veines superficielles.

Elle doit être profonde, dans le muscle et nécessite donc d’être réalisée à l’aiguille. L’aiguille est enfoncée jusqu’à la garde et il faut veiller à injecter le produit relativement lentement sous peine de provoquer des céphalées.

Il existe également une technique en nappage sous cutané, donc superficielle mais cette technique est plus longue, le produit est plus difficile à modeler et risque de migrer selon le positionnement, notamment si le patient dort sur le coté

La technique en nappage entraine don plus d’irrégularité et plus de risque d’ecchymose et hématome.

Attention néanmoins à la partie inférieure de la tempe, il peut se produire une migration du produit vers l’articulation temporo mandibulaire et la joue. Ceci est lié au muscle temporal, principal muscle de la mastication qui possède une forte attache à l’os temporal puis qui chemine dans une gouttière au dessus de l’arcade zygomatique puis sur apophyse coronoïde.

Les pommettes

Pour un résultat naturel au niveau des pommettes il est important de ne pas être excessif, en général une demi-ampoule par côté suffit amplement.

L’injection se fait à la canule selon un vecteur oblique externe en sous cutané profond et en rétro traçant. Cela qui permet de donner un effet liftant sur le mid face.

Il s’agit ici d’une technique en nappage. Pour un résultat naturel il est conseillé d’éviter les bolus qui sont très voyants surtout au sourire.

L’angle mandibulaire et la jow line

Démocratisée par Angelina Joli, le fait d’avoir un rebord mandibulaire marqué et donc un visage très structuré est désormais une demande courante.

Les injections au niveau de l’angle mandibulaire et de la jow line sont intéressantes pour embellir un visage si l’os parait un peu effacé mais attention cela masculinise beaucoup donc c’est à éviter pour les patientes qui présentent déjà une mâchoire carrée. Tout dépend du souhait du patient, il faut s’adapter à la demande.

Concernant l’angle, l’injection se fait en trois points, un point en regard de l’angle même, un point 1 cm au dessus et un point 1 cm en dessous au niveau ligne mandibulaire sur la branche horizontale

Pour la jow line on se place un peu en arrière de l’artère faciale, au contact de la mandibule le long du rebord basilaire et on peut injecter quelques bolus selon le besoin.

Il n’est pas nécessaire d’apprendre des points par cœur, l’essentiel est de sentir les reliefs et surtout de s’adapter au patient.

Le menton

Menton : produit très réticulé, tient longtemps, au contact osseux, projection du menton

La technique d’injection est différente selon si on souhaite féminiser ou masculiniser un menton.

Pour féminiser : l’injection est réalisée par un point bas situé au niveau de la houppe mentonnière. L’injection est faite avec un produit très réticulé, à l’aiguille de façon perpendiculaire jusqu’à l’os. Cela permet d’augmenter la projection du menton et nécessité peu de produit.

Pour masculiniser, le menton masculin étant plus carré, on réalise cette fois ci 2 points d’injection de part et d’autre de la houppe, à l’aiguille jusqu’au contact osseux on injecte un bolus de chaque côté.

6. CONCLUSION

Les injections d’acide hyaluronique au niveau du visage connaissent une forte augmentation de la demande en ce moment. 

Il est impératif d’éviter au maximum les complications en choisissant autant que possible de réaliser ses injections à la canule.

Il existe de nombreuses techniques d’injection pour chaque zone avec des résultats relativement similaires. 

Les techniques décrites ici permettent d’assurer un bon résultat esthétique tout en conservant une sécurité optimale mais il en existe beaucoup d’autre.

Enfin concernant le choix des techniques et les résultats, il ne faut surtout pas oublier d’écouter le patient et de s’adapter à sa demande.  

7. BIBIOGRAPHIE

[1] Anatomical basis for rejuvenation surgery, R Sinna, E Delay, Annales de chirurgie plastique esthétique. Oct 2017, vol 62 : 355-364.

[2] Les injections usuelles en médecine esthétique, JP Meningaud, B Hersant, 2020-2021.

[3] Les injections non usuelles en médecine esthétique, JP Meningaud, B Hersant, 2020-2021.

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